L’urgence climatique menace aussi l’agriculture française. L’augmentation de la fréquence et de la violence des épisodes climatiques que l’on disait extrêmes il y a quelques années encore, ne saurait être compensée par nos réponses et méthodes traditionnelles. Face à ce défi qui sera celui de la génération actuelle, la seule réponse : plus d’adaptabilité.
Une régularisation des extrêmes climatiques ?
L’agriculture française est traversée par une crise structurelle qui dure depuis des décennies. Sa dernière expression – le non renouvellement des populations rurales – trouve ses racines dans les lourdes difficultés qui attendent les jeunes agriculteurs souhaitant s’installer. A ces difficultés structurelles, s’ajoutent les sécheresses, les maladies, qui peuvent emporter les récoltes. Autant d’aléas considérés, pendant des siècles comme conjoncturels. Pourtant, les expressions employées aujourd’hui pour parler de ces catastrophes agricoles n’appartiennent plus au champ de la surprise, mais à ceux de l’habitude, voire de la résignation.
Le changement climatique dont certains doutent encore n’est pas une vue de l’esprit pour les agriculteurs en prise avec la terre et soumis aux aléas de la nature. La synthèse du rapport de la mission d’information du Sénat sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisations est formel sur un certain nombre de points qu’il est essentiel d’enregistrer rapidement. « Entre 1981 et 2015, les vagues de chaleur ont été deux fois plus nombreuses qu’entre 1947 et 1981 et plus intenses. À l’avenir, les pluies extrêmes augmenteront dans toutes les régions. Les vagues de chaleur seront plus nombreuses, plus longues et plus fortes. Une sécheresse intense comme celle de 2003 pourrait devenir très fréquente avant la fin du XXIe siècle (tous les deux à trois ans). »
Une insuffisance des réponses traditionnelles en termes d’assurance et de prévision
Face aux risques, les agriculteurs et les compagnies d’assurance réagissent. Avec le soutien de l’Union Européenne et de la Politique Agricole Commune, se développent des polices permettant aux agriculteurs de s’assurer sur la valeur de leurs récoltes au niveau de la moyenne des 3 meilleures années sur 5 ans. Mais ces systèmes d’assurances ne sont pas et ne peuvent devenir pérennes car à mesure que les conséquences du changement climatique se feront sentir le poids pour les assureurs deviendra trop important. Dans un rapport de 2015 intitulé « Impact du changement climatique sur l’assurance à l’horizon 2040 », la Fédération Française de l’Assurance estime « les dégâts cumulés causés par les aléas naturels à 92 milliards d’euros d’ici 2040 » soit une « augmentation de 44 milliards par rapport aux coûts occasionnés sur la période équivalente passée (une hausse de 90% en euros constants) ». Le deuxième facteur de cette explosion des coûts pour les assureurs : le changement climatique qui pèserait pour 30 % de ce montant et se manifesterait majoritairement sur le péril sécheresse.
Que faire alors ? Les premières conséquences du changement climatique – les sécheresses à répétition – sont là et nos solutions traditionnelles sont insuffisantes ou inadaptées pour y faire face. L’irrigation ne peut se substituer à une pluviométrie insuffisante lorsque le niveau des nappes phréatiques est si bas que les préfets posent des arrêtés pour l’interdire. Inversement, les inondations, en plus de laver les terres, n’abondent pas les nappes du fait de la violence des pluies lorsqu’elles s’abattent. Ce constat n’est pas rassurant. La désertification qui, corrélée à la campagne française, désignait encore hier uniquement son appauvrissement humain, est en passe de reprendre son sens premier.
L’adaptation est la clé d’une agriculture florissante
La seule solution est aujourd’hui d’apprendre à s’adapter. Chaque génération d’agriculture a relevé son défi. Nos parents ont dû nourrir la planète, notre génération doit impérativement agir pour un retour à l’équilibre et militer pour une plus grande adaptabilité de nos modes de culture. Pour l’agriculture dans son ensemble, le danger viendra du manque d’eau. Deux grandes solutions s’offrent à nous.
Première solution : mieux gérer les cultures existantes. Il nous faut préserver au maximum les nappes et l’eau dans les sols en développant des pratiques d’irrigation plus intelligentes – une smart agriculture – faisant ou non appel aux nouvelles technologies : goutte-à-goutte, agriculture de conservation et paillage, plantation précoce des semis pour bénéficier de l’humidité hivernale, etc.
Deuxième solution : adapter les cultures aux nouvelles conditions climatiques. Cette adaptation peut se faire « naturellement » en plantant des espèces originaires ou limitrophes de l’équateur et endémiques aux nouvelles conditions climatiques. C’est la remontée des espèces où le sorgho remplace le maïs destiné à l’élevage dont la culture est extrêmement vorace en eau. Cette adaptation peut aussi être le fruit de la science et de la génétique. L’objectif serait alors de modifier génétiquement ou par croisement des variétés de nos produits agricoles actuelles plus résistantes et adaptées.
En tous les cas, et sans entrer dans le débat de savoir quelle solution serait « la meilleure », quand une combinatoire devra certainement être élaborée, les efforts à mettre en œuvre ne peuvent pas être le seul fait des agriculteurs. Un changement aussi radical, aux conséquences si profondes, ne peut être porté que par l’ensemble de la société, à une échelle mondiale. Le climat (politique) mondial n’est pas rassurant en ces conditions. Que cela ne nous empêche pas de réfléchir dès à présent à l’agriculture de demain.
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