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Agriculture de conservation : nouvel eldorado pour les sols français ?

Photo du rédacteur: TERREATERREA

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a rendu public le mois dernier son rapport spécial sur l’utilisation des sols. Les experts de l’ONU avertissent sur la « surexploitation des ressources, qui menace la sécurité alimentaire, appauvrit la biodiversité et amplifie les émissions. »[1]. Pour limiter le réchauffement à +1,5°C d’ici à la moitié du siècle, quel rôle l’agriculture de conservation pourrait-il jouer ? Cette méthode agricole, encore méconnue, très prometteuse mais peu financée, pourrait bien réussir l’exploit d’améliorer les sols tout en piégeant des quantités non-négligeables de carbone.


Il était une fois … le sol agricole

Au début du siècle, avant l’avènement de l’agriculture intensive, agriculture et élevage allaient toujours de pair. Les fermes faisaient « un peu de tout », réservaient la moitié de leurs terres aux cultures végétales et l’autre au bétail. Cette polyculture-élevage s’avérait gourmande en main d’œuvre, c’est ainsi que l’intensification de l’agriculture est allée de pair avec une perte de vitesse de l’élevage et une montée en puissance de la mécanisation. Partout où cela était possible, la grande culture est devenue le « par-défaut » des terres les plus riches, car elle est plus facile et plus rentable. La Brie, par exemple, a peu à peu abandonné l’élevage et la production laitière pour ne faire que de la grande culture. La Beauce était autrefois terre de pâturages. La Champagne abritait jadis de nombreux moutons. Les grandes cultures céréalières sculptent désormais les paysages de ces régions. L’élevage est finalement relégué dans les zones où la qualité des sols superficiels et la montagne se prêtent mal aux rendements.


Dans ces nouvelles fermes céréalières, on néglige alors l’apport de matière organique, car celle-ci elle provenait jusque-là des élevages jouxtant les champs. Aujourd’hui, on doit même importer des fumiers à épandre d’autres régions voire de pays limitrophes ! Les sols souffrent d’une longue carence en matière organique... Un bon taux de matière organique dans un sol devrait être compris entre 3 et 4 %. En Beauce ce taux stagne à 1%. Problème : pour gagner un seul point supplémentaire, il faut une vingtaine d’années. La solution : enfouir le maximum de fumier, lisier et compost dans les sols, continuellement, chaque année, pour retrouver en France des sols de qualité. Mais cela à un coût.


L’agriculture de conservation, un atout pour le sol

C’est sur ce principe d’enrichissement et de préservation des sols que se développe l’agriculture de conservation. L’idée est de couvrir en permanence les sols de plantes choisies. Une plantation temporaire, recouvre le sol puis a vocation à former un paillage en se décomposant. Les plantes intermédiaires sont ensuite détruites via des traitements ou sont naturellement gélives (détruites par le gel). Une fois au sol, elles se transforment en engrais et sont incorporées au sol. C’est sous cette forme qu’elles stockent le CO2. Les légumineuses qui apportent beaucoup d’azote naturellement capté dans l’air, sont par exemple le candidat idéal comme plante temporaire. En utilisant cette méthode qui commence à faire des émules, les agriculteurs gagnent petit à petit sur la pauvreté des sols épuisés.





Valoriser la prise de risque des agriculteurs

Pour les agriculteurs qui la pratiquent, l’agriculture de conservation représente un pari risqué et pas toujours gagnant. Cette méthode novatrice et plus vertueuse nait de la volonté individuelle d’un agriculteur, séduit par une approche responsable du métier. Contrairement au bio, désormais connu des consommateurs, soutenu par des politiques d’aide, ayant réussi à créer un véritable marché mieux valorisé, l’agriculture de conservation ne rapporte pas un euro de plus à l’agriculteur qui s’y engage. Pire encore, les risques de pertes s’élèvent parfois à un semis raté ou une récolte. En effet, la recherche sur ce modèle agricole se développe toujours et reste à un stade expérimental. Pourtant, des agriculteurs y croient, ont envie d’apporter leur pierre à l’édifice de la lente reconstruction des sols du territoire. A nous tous de soutenir ce modèle vertueux : consommateurs, industriels pouvoirs publics et tous ceux qui font entendre leur voix pour réclamer une agriculture responsable, et se revendiquent de la transition énergétique.




La piste de la conservation carbone

Pour valoriser le modèle d’agriculture de conservation, la piste du financement du surplus de captation carbone par des entreprises privées s’envisage sérieusement. En effet, avec une plantation intermédiaire, l’agriculture de conservation capte beaucoup plus de CO2 que l’agriculture conventionnelle, et enfouit plus de CO2 dans les sols.


La compensation des émissions des entreprises et des pollueurs se fait aujourd’hui sur la base du volontariat. Les entreprises et particuliers de bonne volonté pourraient, comme avec le label Bas-Carbone, financer la captation « bonus » permise par l’agriculture de conservation et ainsi soutenir les agriculteurs qui la pratiquent.

A l’heure où l’Europe se désengage des aides compensatoires pour l’agriculture, l’apport d’un financement privé ne peut être qu’un plus. Un (petit) palliatif aux aides PAC qui soulagera aussi les agriculteurs, enrichira nos sols, bénéficiera à la nature, et contribuera à compenser les émissions carbone.

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